Le grand philosophe Friedrich Nietzsche était un homme bon et joyeux.
Un jour, il se rendit dans un magasin pour acheter du pain.
La grosse vendeuse du rayon pain aimait beaucoup se moquer du philosophe gentil et joyeux. Nietzsche ne la supportait pas et la traitait souvent de conne stupide.
- Eh bien, Nietzsche, - dit la grosse vendeuse en voyant Friedrich. - Vous êtes venu chercher du pain ? Tu aimes le pain ?
- Je l'adore, - répondit Nietzsche avec retenue.
- Et vous l'avez cuit pour le manger comme ça ? - demanda soudain la vendeuse d'un air affable. - Avez-vous déjà fait du pain ? Hein, Nietzsche ?
- Moi ? Faire du pain ? - Nietzsche s'est interposé.
- Êtes-vous hors de portée de voix, Nietzsche ?
- Non", dit Nietzsche. - Non aux deux questions.
Le grand philosophe savait être concis.
- Voici de la pâtisserie d'abord, et ensuite nous parlerons, - termina triomphalement la vendeuse.
- Attendez une seconde, - dit Nietzsche. - Si je dois faire du pain, pourquoi devrais-je, putain de connasse, vous l'acheter ?
- Je me fous de tes problèmes, Nietzsche", rétorque calmement la vendeuse. - Je n'ai rien d'autre à faire que de philosopher avec toi. Je vais vous vendre de la farine. Et du pain - wo, - la vendeuse montra sa jointure calleuse, se saisissant du coude pour convaincre.
Nietzsche hésite.
- Et vous, dit-il enfin, vous avez vous-même fait du pain ?
- Oui, ma chère, oui, répondit la vendeuse. - J'en ai fait tellement que vous en mangeriez toute votre vie et qu'il en resterait pour vos enfants.
- Je n'ai pas d'enfants", dit Nietzsche.
- C'est n'importe quoi, dit la vendeuse. - Il n'a pas d'enfants, il ne sait pas faire le pain et ne veut pas le faire, et il ne sait que baiser les honnêtes vendeuses.
- Es-tu une honnête vendeuse, ou quoi ? - Nietzsche était intéressé. - Tu as un visage comme celui de Mussolini. Les honnêtes gens ont des visages différents.
- Et Mussolini ? Qu'est-ce qui ne va pas avec Mussolini maintenant ? Il faisait aussi du pain, si vous voulez savoir. Oh, Nietzsche.
Nietzsche a hésité un instant.
- Bon, et puis merde - il a fait un signe de la main. - Donne-moi ta farine.
- Souviens-toi, Nietzsche : la culture n'est qu'une fine croûte de pain sur le chaos chauffé, - dit la vendeuse d'un air satisfait. - Souvenez-vous-en fermement.
- Je le ferai", dit Nietzsche avec haine. - Je m'en souviendrai fermement.


Le lendemain, Nietzsche se rendit dans la même boutique.
- Que voulez-vous ? - demanda la vendeuse.
- De la farine, répondit Nietzsche entre ses dents.
- As-tu appris à faire de la pâtisserie ?
- J'ai oublié de te le demander, salope. Donne-moi la farine.
- Pour une telle impolitesse, je peux aussi te frapper au visage avec un rouleau à pâtisserie... - marmonna la vendeuse.
- Donne-moi la farine, j'ai dit.


La vendeuse m'a donné la farine.


- Maintenant, mangez-la.
- Manger quoi ?
- Mangez la farine.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Mangez-la vous-même.
- J'ai dit mangez, Nietzsche a dit, et j'ai mis la vendeuse face contre terre dans la farine. - Tu aimes ça ?


La vendeuse mangea docilement la farine et regarda le philosophe avec des yeux effrayés.


- C'est bon, n'est-ce pas ? J'ai mangé cette merde toute la nuit dernière.


Nietzsche n'a jamais appris à faire du pain.